Écriture de mai 2017 de Cedric Veto – alias Cetro
Voici le post de départ :
« On va faire un petit jeu, si tu veux.
Si t’as un sujet que tu voudrais voir tourné à la dérision, traité de manière un peu déjantée et trash, même quelque chose de très sérieux, sombre, triste à l’origine, fais m’en part en commentaire.
Tu peux même m’aiguiller si t’as des idées de ce que t’aimerais y lire, des trucs que tu trouves rigolos (si je troue que ça l’est pas, je t’enterre).
Si ça m’inspire, j’essaierai d’en faire quelque chose.
Sinon, docteur Cédric te dira oui en souriant, et mister Cetro te dira d’aller te faire aimer par derrière en suivant.
à tes idées…
Le sujet que je donne en commentaire :
Allez, au tour d’Annick, aujourd’hui.
Je m’attaque à son sujet: une tempête, forte, coupure eau et électricité pendant une semaine, dans un petit village, et la solidarité ou pas……
😉

à… ben quand j’aurai fini, tiens.
Et voilà le résultat pour mon plus grand plaisir :
« Voilà, Annick, pour toi
😜

Je te fais le topo.
Grosse tempête, du genre à éburner les ânes. Quoi, on dit écorner les boeufs? Me les casse pas, c’est moi qui conte.
Tout est couché, arbres, lignes électriques et téléphoniques.
Pas mal de baraques endommagées, voire carrément effondrées.
En prévision, un second passage de tempête, plus puissant, la seconde lame qui va tout raser.
On est coupés du monde, les secours peinent à arriver jusqu’à notre village.
Le maire, ce brave homme, décide de réunir tous les villageois sauf sa belle mère dans l’église.
Pour pas qu’elle se sente seule, on dépose tous nos belles mamans avec celle du maire. Tu sais comment c’est, ça a vite fait de te bouffer le canapé en cuir quand ça s’ennuie, ces machins là.
Et nous voilà tous à faire la queue pour entrer dans l’église.
Moi je suis avec mon pote momo.
Première fois de ma vie que je vais mettre les pieds là-dedans.
Mon pote momo aussi, probablement pas pour les mêmes raisons.
Lui il est musulman. J’ai toujours pas compris le concept, je suis pas très éveillé en matière de spiritualité.
Quand il me dit Allah est grand, je crois toujours qu’il me parle de son fils qu’a bien grandi.
Et moi, je suis protestant. Enfin, je proteste, quoi. Ouais tout le temps, et alors?
J’ai remarqué un truc, ce jour là.
Tu sais, on se dit civilisés, évolués. Bien éduqués. Fraternels.
Mais quand même, quand quelque chose merde un peu dans notre quotidien, j’ai l’impression qu’on régresse assez vite.
Dans ces cas là, moi, naïvement, je voyais un truc comme entraide, soutien, et tout le tralala.
Mais le passé a l’air de rattraper mes concitoyens, et le verbe collaborer a pas l’air de leur plaire des masses.
Alors c’est chacun pour sa gueule.
ça se pousse, ça se tire, ça se gueule dessus pour être le premier à entrer et avoir droit aux rations de secours.
T’en as, je suis sûr que s’ils avaient pu rafler le stock, ils nous l’auraient refourgué au marché noir.
Quand on a passé la porte, momo et moi, t’avais la Joséphine qui nous regardait d’un air mauvais, j’ai l’impression que les babouches et la djellaba, niveau mode, c’est pas sa came. Et moi, c’est ma gueule, qu’elle aime pas, Joséphine.
J’ai vu passer la famille Santos, Jésus, Maria (sans déconner) et leurs enfants.
Maria c’est la seule femme du village qui pourrait dire Jésus me baise sans que tout le monde ait envie de l’exorciser, tu vois. Mais elle le dit pas, hein, c’est pas trop le genre.
J’ai regardé les gens se battre pour une couverture, une bouteille d’eau ou une barre de céréales.
T’avais une femme qui tirait sur un gros paquet et qui gueulait « j’ai des enfants, j’ai des enfants ».
Ouais ben ça va, je sais que ça doit être douloureux, mais chacun sa croix, hein.
Au fond, y avait un gus tout en noir, comme la Joséphine.
Je lui ai dit, à momo, tu vois, t’es pas le seul à porter la djellaba, ici.
En attendant que les furieux aient fini de s’arracher les yeux pour quelques miettes, j’ai décidé de visiter un peu les lieux, tu vois, pour moi, c’était la découverte.
Déjà, je sais pas qui est l’architecte, mais le mec doit pas être trop au fait des normes en matière d’isolation. T’as vu jouer où qu’on fait des plafonds à 15 mètres de haut, toi? Va chauffer le bousin, c’est vraiment n’importe quoi.
Et puis alors, je veux pas dire, hein, les vitres, OK, c’est plutôt joli, c’est coloré, mais niveau luminosité, tu repasseras. Puis j’ai pas eu l’impression que c’était du double vitrage.
Y avait aussi une espèce de placard à balai avec des rideaux, des grilles.
Je lui ai demandé, à la Joséphine, ce que c’était au juste.
C’est là qu’on fesse? Je me doutais bien que c’était une grosse coquine, la Joséphine, sous ses dentelles noires. Quelle gourgandine.
Au bout d’un moment, le mec en Djellaba noire a pris la parole.
J’ai l’impression que c’est un artiste. Il devait être tout content de faire salle comble, tu vois, ça faisait longtemps qu’il avait pas dû voir autant de monde.
Il a baragouiné tout un texte, mais alors le pauvre, je lui souhaite de pouvoir jouer dans une autre salle, un jour. L’acoustique MI-NA-BLE. T’avais l’impression d’être à la gare et d’essayer de déchiffrer le message que le gus te balance au micro. Tu comprends que dalle.
Si, j’ai saisi qu’il parlait de brebis égarées, à un moment, en me regardant avec insistance.
Le mec doit être intermittent, tu vois, il vit pas de son art, alors il doit être berger pour gagner sa croûte. Avec cette tempête, apparemment, il a perdu son troupeau, le pauvre.
Y avait une petite boîte accrochée au mur, où des gens balançaient des pièces.
Comme les artistes de rue, le mec doit se rémunérer en faisant la quête, quoi. J’avais plus de pièces de 1 centime, sinon j’aurais volontiers soutenu ses efforts. Ouais, je suis comme ça, moi, tu sais. La main sur le coeur (mais pas trop à la poche)
à un moment, j’ai été pris d’une envie de pisser, mais une velue, tu vois, un truc qui fait oublier aux hommes qu’ils sont pas des clébards pour maquiller le premier poteau venu.
J’ai cherché les chiottes, rien. Une honte, cette salle de spectacle.
Et puis finalement, j’ai vu l’urinoir. Pour la grosse commission, t’es marron, mais la petite, ça passe.
Par contre, c’est un concept un peu particulier, faut pas être pudique, mais bon, quand faut y aller. J’ai profité que la Joséphine était occupée à séparer deux bonshommes en train de se battre pour une boîte de sardine pour me soulager sans avoir son oeil posé sur mon appareil, quoi.
Quand j’ai eu fini, j’ai incité momo à me suivre en coulisses.
à mon avis, le transformiste devait avoir ses loges et ses réserves quelque part, alors plutôt que se battre avec les autres, on allait se servir tout seuls.
On est tombé sur le bar du gugusse. Momo il voulait pas, il boit pas d’alcool.
Mais y avait que du rouge, c’est pas de l’alcool, c’est du vin.
J’aime pas trop ça, mais j’avais soif, et j’ai pas vu de point d’eau autre part que dans l’urinoir, donc le choix était vite fait.
On a sorti les chips apéro. Là encore, je voudrais pas faire la fine gueule, mais les trucs de régime, sans sel, sans goût surtout, c’est vraiment pas ma came.
Pas étonnant qu’il rentre encore dans du 12 ans, le gus (
😇).

On a quand même fini la réserve, momo et moi.
Quand on est retournés dans la salle de spectacle, c’était l’apocalypse. Ce que la tempête avait pas réussi à faire, l’individualisme des gens l’avait réalisé.
On aurait dit le radeau de la méduse, un foutoir pas possible, ils s’étaient tous entre déchirés.
Tu aimeras ton prochain, qu’ils disaient. Ben apparemment, ce sera plutôt le suivant, pour eux.
T’avais la Joséphine qui trempait sa main dans l’urinoir et se signait avec frénésie. WTF??? Z’ont de drôles de pratiques, ces cathos, quand même.
Tu veux que je te dise? J’avais presque oublié pourquoi depuis quelques années je vis retiré, comme un ermite.
Ben cette tempête m’a bien rafraîchi la mémoire.
ça sert à rien de vivre en communauté si c’est pour être aussi centré sur sa petite gueule.
Et c’est bien la dernière fois que je vais à l’église, je trouve qu’on fait tout de même mieux comme spectacle. »
Un très grand merci Cédric 💛💜💗